![]() |
Franz Enstein était le cadet d’une famille de tempranogrades
qui fuirent l’instabilité politique et
les famines de leur Moravie natale pour s’installer dans les sombres montagnes
des Karapates.
Ses parents, intellectuels
brillant, l’éduquèrent dans l’amour de l’universalité, mais n’oublièrent jamais
la culture fantasque qui les avait vus grandir. En Moravie, le culte des morts fait partie de la vie
quotidienne, et l’humoriste parisien Désiré Grandin blaguait : « dans
ce pays on voit les morts ravis et on envie les morts à tel point qu’on en est
mort à vie « (bruit de cymbales, rires dans la salle)
C’est dans l’isolement de l’immigré, en la nature austère et sauvage des forêts
obscures des montagnes noires de la Karapatie que le petit Franz développa un
goût désespéré pour la connaissance, les sciences, et celle qu’il préférait
entre toutes, celle qu’il appelait la science magique, la biologie, car elle
étudiait le seul phénomène physique qui fut miraculeux : la vie
Le premier plus beau jour de sa vie, comme il le raconta
dans ses mémoires : « Mémoires bleues outre-mort » aux édition
du Horla, fut le 13 septembre 1888. C’est ce jour qu’il réussit pour la
première fois à ressusciter une anoure bicéphale qu’il venait de disséquer. Il
venait de réussir l’impossible, réparer un batracien comme on répare une
montre. A partir de ce jour, il n’eût de
cesse de faire revivre les morts. Malgré quelques échecs (Mathusalem, Dracula,
le cerveau de Britany Speares) ses réussites de plus en plus nombreuses lui
apportèrent une gloire considérable et le statut de demi-dieu vivant. Il fut
convoqué par les familles les plus riches d’Europe. Mais les problèmes
engendrés par ses exploits furent nombreux, et surtout, inattendus. Alors qu’il
venait de redonner la vie à la princesse Euthanasia Von Hesse, proche cousine
du prince de Karapatie, Il fut accusé de détournement de fonds, abus de
confiance, crime de lèse-majesté, de meurtre à l’envers, insulte à la mort,
blasphème, etc. En effet, la princesse n’avait pas été empoisonnée par hasard,
et le fragile équilibre que sa mort avait apporté venait d’être rompu par
Franz. Une guerre de succession éclata, durant laquelle sa famille, déjà
déshonorée par les accusations envers leur brillant cadet, finit par être
décimée. Lors de la mise à sac du château des Hesse par les Kaspar, Franz put s’échapper
de sa geôle, et fuit alors vers la France.
Il y changea d’identité et se fit dès lors appeler Francis
Enstein.
Essentiellement glabre, comme la plupart des tempranogrades,
Francis, autant pour coller à la mode de la moustache que pour altérer son
apparence et n’être ainsi point reconnu, se laissait pousser les poils du nez,
et cette particularité, couplée à son caractère farouche qu’un accent âpre ne
faisait qu’aggraver, le contraignait un célibat qu’il n’arrivait pas à s’expliquer.
Profondément changé par les récents événements de sa vie, il
décida de ne plus jamais ressusciter qui que ce fut, et se mit petit à petit à
penser à l’élaboration de la vie plutôt qu’à sa restauration. Constatant que le
monde était corrompu, seule la création d’une vie nouvelle avait des chances d’atteindre
un idéal de perfection
Aussi fut-il bouleversé quand lors de la rétrospective de
Eusébio Praxitelos, il vit ce que le sculpteur appelait lui-même son chef-d’œuvre :
La création de la femme
. Ce fut le deuxième plus beau jour de sa vie. |
A partir de ce moment là, Franz sut ce pour quoi il était
destiné : donner vie, par la science, à l’œuvre d’art.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire