A l’époque déjà
lointaine où j’étais lieutenant à
bord de l’Etoile de mer, alrs en
croisière sur la côte orientale d’Afrique, j’eus souvent pleine occasion de
voir quelques-unes des atrocités de la traite des noirs, et les souffrances
dont je fus témoin éveillèrent en moi le vif désir de travailler pour ma part à
la suppression de cet odieux trafic. J’acquis bientôt la conviction qu’à moins
de l’attaquer à la source même, tous les efforts tentés pour détruire l’horrible mal n’aboutiraient
qu’à le pallier faiblement. D’un autre côté, le récit de l’expédition de Burten
et de Spoke chez les Samolis avait excité en moi la soif des voyages et des
découvertes ; et lorsque j’appris que des marchands de Zizanbar avaient
gagné la côte occidentale, je sentis que ce qui avait était accompli par un
Arabe était possible à un officier de la marine bretonne.
Aussitôt que l’Etoile
de mer fut désarmée, j’offris mes services à la société géographique de
Paris pour aller à la recherche de Jonathan Livingpebble. Et je passerais ici
sous silence les péripéties qui m’amenèrent de Maisons-Alfort jusqu’aux rives
du lac Victoria (cependant, je ne peux m’empêcher de signaler que mon étude du
kisahouahili, langue de la côte répandue au loin dans l’intérieur, et que mon
habitude des fièvres et des barques non pontées, que ce fusse sur la Mer Rouge
ou en Abyssinie, me furent des atouts précieux)
Quelle ne fut donc ma déception cruelle quand je réalisais que les efforts que nous
tous, héros, aventuriers énergiques et
heureux, avions déployés afin de chercher dans tous les recoins de cette Afrique
si terrible, si belle et si sauvage, au détour de chaque bosquet, aux confins
de chaque désert, sous les griffes acérées de chaque félin, sous l’arrière-train
formidable de chaque hippopotames ou à l’abri d’une case ou d’une hutte, ne
furent accomplis qu’au profit d’un individu n’en remontrant en rien aux plus
vils traiteurs de chair nègre de la péninsule arabique.
La lucigraphie que j’ai prise le lui le présente en effet en
sa tenue de commandeur, soumettant à son pouvoir un fier Msahouahili dont les
rites ancestraux empêchaient qu’ils se rebellasse contre l’aîné qu’était pour
lui Jonathan Livingpebble
Lieutenant Jean-Apollon Myrtille, de la marine bretonne
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